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 René Sudre , né à Bazoches-les-Bray (Seine-et-Marne), le 11 janvier 1921 et décédé en 1969 était un virtuose de l'accordéon.

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 Quelques vidéos 

 


René Sudre est  né  à Bazoches-les-Bray (Seine-et-Marne), le 11 janvier 1921, issu d’une famille originaire de Haute-Auvergne. Sudre est en effet un nom assez répandu dans le Cantal, d’où son attirance pour les nombreux musiciens du Massif central comme Martin Cayla et Jean Vaissade, avec lesquels il collabora souvent. Le premier lui édita plusieurs de ses compositions pour accordéon. Puis ce fut au tour de Jo Privat, dont le père était lui aussi de souche auvergnate, de remarquer René Sudre et de l’orienter vers le professionnalisme. Ils habitaient Belleville et Ménilmontant et avaient d’ailleurs le même professeur, l’excellent Paul Saive. Ce dernier avait déjà découvert les remarquables possibilités de René Sudre dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale.

Jean Sudre, le père, jouait un peu de cabrette et d’accordéon. Louis Péguri disait de lui qu’il s’agissait d’un des meilleurs musiciens auvergnats de Paris. René avait donc de qui tenir puisqu’il commença l’accordéon tout gamin à la Bastille dans le bal musette que son père avait acheté au 14 rue des Taillandiers, juste à deux pas du premier magasin de musique ouvert dans les années 1920, au 26 de la même rue par Martin Cayla, grand ami de la famille Sudre.

Une réputation grandissante

René fit de rapides progrès et sa réputation grandit aussitôt. Ses véritables débuts eurent lieu dans un autre musette du dix-huitième arrondissement, rue Polonceau, avant de passer au célèbre bal La Boule Rouge, rue de Lappe, chez Poyet. Lors de l’Exposition de Paris en 1937, il remporta le Grand Prix International d’accordéon. La Guerre arriva, puis l’Occupation allemande. Les bals étant interdits, René Sudre fut engagé avec son accordéon dans l’orchestre tzigane de Georges Streha, lequel se produisait dans plusieurs brasseries des Grands Boulevards.

Cette période noire vit, de façon paradoxale, la consécration de Raymond Legrand, le père de Michel, qui venait de fonder un nouvel et sensationnel orchestre de variétés afin de remplacer celui de Ray Ventura (qui avait dû s’expatrier en Amérique du Sud, en pleine gloire, à la fin de 1940, car il était juif). René Sudre demeura jusqu’en 1944 l’un des accordéonistes attitrés de cet orchestre au sein duquel le public, tout comme les gens du métier, avaient découvert sa grande virtuosité.

Recommandé par Jo Privat

À la Libération, René Sudre quitta Raymond Legrand, les attractions dans les cinémas et les brasseries pour revenir au bal musette avec le nouvel ensemble qu’il venait de constituer. On le vit à La Java, Chez Bouscat, ensuite et surtout à Ça Gaze, temple du musette de la rue de Belleville où il resta jusque vers la fin des années 1950. Mais entre-temps, René s’était fait applaudir au dancing Le Barbarina et à La Croix de Malte, à la Porte Saint-Martin, deux établissements qui permirent à d’autres as de l’accordéon comme Édouard Duleu, Maurice Larcange et Aimable de se faire un nom. On vit aussi René Sudre officier au Bal Marly, un petit musette situé dans le haut du Faubourg Saint-Martin, à la Villette, près de la station Stalingrad du métro aérien.

En 1951, René Sudre a la chance de remporter le Grand Prix de la Radio pour l’accordéon. Mais cinq ans auparavant, en 1946, Jo Privat avait réussi à décrocher un contrat d’exclusivité pour enregistrer des disques chez Pacific. Le courant passa vite entre lui et René Sudre. Ils ne rechignaient ni l’un ni l’autre pour vider une « roteuse de champ’ ou un kill de beaujolpif » ! Privat aurait pu garder ce filon pour lui tout seul, mais c’est mal le connaître. Aussi s’empressa-t-il de recommander son « pote » René au directeur de cette toute jeune maison de disques qui recherchait de bons accordéonistes pour constituer son catalogue d’accordéon. Jo le comparait à Émile Prud’homme, mais en plus “musclé” ! Ainsi, à partir de 1946, René Sudre enregistra durant une dizaine d’années une bonne cinquantaine de disques 78 tours chez Pacific. 

 

 

La chandelle brûlée par les deux bouts

René n’eut jamais “la grosse tête”. Mais le succès aidant, il brûla ensuite un peu cette chandelle par les deux bouts, en raison de son penchant pour la boisson et la cigarette. Sa santé en paya le prix. J’ai eu le plaisir, hélas douloureux, de le rencontrer une seule et unique fois. C’était en 1968 au Vincennes-Bastille, chez mon ami Jean Vaissade : un vrai modèle de modestie et de gentillesse. Pourtant, le malheureux était atteint d’un cancer à la gorge. Il venait de subir une trachéotomie et ne pouvait plus parler. Mais je me souviens encore que Jean Vaissade, en me le présentant, dit de lui qu’il était l’un des meilleurs accordéonistes qu’il ait connus. Ce qui n’était pas un mince compliment venant de la part de ce dernier, plutôt avare en la matière !

Jo Privat ne s’y était point trompé non plus puisqu’il avait participé à une collecte ouverte par Édouard Duleu auprès de lui et de ses collègues Aimable, André Verchuren et Yvette Horner. Cela permit d’acheter pour René Sudre un beau Cavagnolo et d’ensoleiller un peu les derniers jours qui lui restaient à vivre. Il mourut en 1969, âgé seulement de 48 ans.

Madame Madeleine Sudre, son épouse, est encore là, vive et alerte. Elle demeure toujours à Vincennes. Nous lui devons les quelques photographies de son mari qu’elle a bien voulu nous prêter pour la rédaction de cet article et nous l’en remercions vivement. Mais qui se souvient encore aujourd’hui de René Sudre ? Peu de monde, sans doute. Il reste heureusement quelques 78 tours conservés jalousement par des collectionneurs et recueillis au gré de foires à la brocante. Et puis, chacun sait bien que les bons musiciens ne meurent jamais.

Roland Manoury